Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Seniors du RCP 15
Derniers commentaires
11 février 2013

RCP XV / RC Les Mureaux (10/02/2013)

Réserve :

Score : 32 / 08

Première :

Score : 18 / 00

La petite Sibérie avait pris ses quartiers au sein de la Ville Lumière : outre le froid glacial, la neige s'invita aussi dans cette partie givrante. Givré était bien le mot car il fallait l'être pour jouer comme pour suivre le match de notre équipe Réserve face à celle des Mureaux. Elle réussit à scorer largement sur notre adversaire pour se hisser ainsi à la troisième place du classement.

Note de la rédaction

Les paragraphes qui vont suivre seront indéniablement soumis à la censure du régime. Ne nous leurrons pas ! La description des conditions atroces dans lesquelles ce match s’est déroulé pourrait effrayer l’opinion mondiale, et susciter une vague de révolte et de protestations sans précédent. Il est donc bien évident que jamais le Parti ne laissera filtrer ces informations.

Par conséquent, vous qui lisez ces lignes, soyez conscients que vous êtes en danger si vous êtes détenteurs de ce document : Brulez ce rapport après lecture.

C’était dans le goulag numéro 15, en Sibérie Orientale, au cœur de la Voïvodie intérieure de Balard. 30 hommes étaient détenus sous le joug impitoyable d’un arbitre sanguinaire. Celui-ci allia la sévérité au sadisme, puisqu’il mit en place un jeu cruel : durant 76 minutes, dans des conditions dantesques, les détenus furent obligés de jouer un match de rugby les uns contre les autres, et seuls les gagnants pourraient entrevoir la libération. Les deux équipes furent formées : Moscou XV d’un côté, Les Mureauski de l’autre.

Sous une tempête de neige aveuglante qui balaie incessamment la toundra enneigée, Hugues Popov donne donc le coup d’envoi de ce match.

Moscou XV semble immédiatement plus déterminée que ses adversaires. Installés dans le camp adverses, les Moscovites tentent de déplacer le ballon, et de faire un peu de jeu. Hélas ! Les mains frigorifiées perdent peu à peu leur faculté de préhension et les en-avants se multiplient. Un flocon de neige tombant dans son seul œil valide, Mochoski est aveuglé et manque la première pénalité. Quelques minutes plus tard, il se reprend et ouvre la marque.

Il était de toute façon écrit que ce match ne serait pas propice à la passe sautée et au cadrage-débordement. Les températures avoisinant les -51°C annihilèrent toutes prétentions spectaculaires. Ce fut donc un match de gros, qui furent à l’origine et à la finition de nos deux premiers essais.

Sur le premier, Hugues Popov joue rapidement une pénalité, donne à Hubert Sarlinaïev qui perce près de la ligne adverse. Il passe les bras pour Bruno Kitziskoski qui tombe dans l’en but sur le dos. Se souvenant qu’un essai est marqué que si le ballon est aplati sur l’herbe, il pense à se retourner pour planter l’essai.

Peu après, les trois-quarts ont bien essayé de marquer par l’intermédiaire de Vincent Trouvashvili (un géorgien), qui hélas, a rampé pour passer sous les barbelés de la ligne d’essai. Le gardien du camp refuse donc la marque.

Et c’est donc de nouveau les avants qui montrèrent le chemin de la victoire. Sur un maul pénétrant, sorte de bélier des temps modernes, ils enfoncent le baraquement adverse et permettent l’infiltration trans-ligne de Julienov Salatsjev. 13-0 pour Moscou.

Par ce froid polaire, rien de tel que quelques marrons et châtaignes, bien au chaud, pour se réchauffer. Les Mureauski s’énervent et commencent à distribuer à chacun sa ration de potage. Le gros pilier adverse réaligne le nez de Marceauski, qui jusque-là partait à gauche, offrant à son visage un joli zigzag central ensanglanté.

Augustinov fait marcher la manivelle, aidé par Romanov Devoisselloïtch qui réplique aux attaques. Julienov Salatsjev, averti en songe la nuit même, a compris qu’il lui fallait absolument un casque ce jour-là. Et c’est heureux, car le casque a sauvé ses derniers neurones, après sa rencontre avec la chaussure du 5 adverse. Visiblement mis en confiance par cette armure impénétrable, Julienov Salatsjev a même essayé de brancher le monstrueux numéro 18, interné dans ce camp depuis 15 ans suite aux meurtres de dix personnes à mains nues.

Par ailleurs, tout au long du match ce Julienov a déployé une énorme activité, présent à chaque point de rencontre et pour chaque longue course. Dès que l’adversaire cafouillait le ballon et le faisait tomber au sol, toute notre ligne de trois-quart se baissait pour le ramasser... et PAF ! Julienov passait par là pour foutre un grand coup de chausson dans le ballon qui valsait trente mètres plus loin.

La deuxième mi-temps fut plus difficile encore. Théâtre de magnifique actions manquées telles celles de Guyonov atterrissant directement en touche, ou cette « Kiki » annoncée par Hubert Sarlinaïev et propulsée en touche tout aussi directement.

Les minutes défilant, les corps peu à peu s’affaiblissent. Chacun ne pense qu’à une seule chose : résister et survivre à ce match. Tous les hommes ne sont d’ailleurs pas égaux face à la nature. Les avants, par exemple, savent que pour résister au froid, il leur faut mettre des maroufles. De plus, les apports graisseux qu’ils ont accumulés leur permettent de gérer leur température corporelle.

Les ailiers, quant à eux, sont une espèce à part. Habitués à l’isolement latéral et à l’inactivité prolongée, ils ont, par transformation génétique, développé des facultés extraordinaires de résistance au froid, grâce à une peau spéciale qui assure une étanchéité et un chauffage plus ou moins permanent.

De ce fait, les moins robustes et les plus frileux sont les centres et demi-d’ouverture. D’ailleurs, Hugues Popov est le premier à plier face à la nature. Le voici agonisant, les yeux hagards et la peau jaunie, appelant d’une voix faible à sortir du terrain. « NON ! » répond inlassablement l’entraineur. Et Popov retourne bon an mal an se replacer. Mais lorsque l’arbitre annonce « 13 minutes restantes », il s’effondre :

-          Argggh ! Je me meurs, je me meurs ! De la suze, il me faut de la suze !!

-          Mais voyons Popov, il n’y a pas de suze en Union soviétique !

-          Arrggghhh ! Alors laissez-moi mourir ! Adieu maman ! Gloire à Lénine et au cassoulet ! »

On enterre le héros qui recevra à titre posthume la croix de guerre. Mais la partie continue néanmoins, et Moscou s’installe de nouveau chez l’adversaire. Yann Boutaritch manque une pénalité face aux poteaux. « Pas de ma faute j’avais les genoux en sang » aurait-il déclaré. Heureusement, il se rattrape peu après. Sur un renversement de jeu, Romanov Blanchov, seul numéro 9 casqué depuis Frédéric Torossian (demandez la référence à Ivanov) passe le ballon, à Ivanov Corveleïev, justement lui.

Ivanov est le doyen du camp, il a connu Pierre Ier le Grand, Jean-Pierre Rives capitaine et « Petite Marie » en 33 tours. Il connait le camp et tous ses rouages comme sa poche. D’une grande expérience, le voici dans une fâcheuse situation. Face à lui 5 adversaires. Que faire. Tenter le drop ? Non, pas de pied. Aller péter ? Non, pas de quintal. Il ne lui reste qu’à cliquer sur le bouton « J’ai de la chance » sur Google pour trouver quoi faire : il tape par-dessus la défense, et le rebond miraculeux atterrit dans les bras de Yann Boutaritch qui passait par là.

Troisième essai pour les Moscovites, points de bonus offensif, et plus que 5 minutes à jouer. Notre 3ème buteur de la journée, Vincent Trouvashvili, balance le ballon par-dessus les miradors pour la transformation. « J’avais froid aux orteils » aurait-il déclaré.

L’arbitre, fieffé communiste, administre à Guyonov un carton blanc pour allégeance au Tsar. Je sors dix minutes, et pense pouvoir rentrer de nouveau pour les 4 minutes restantes. C’était sans compter sur le genou du 12 adverse. Celui-ci, lassé de suivre son maitre allant péter sans interruption tout le match, a tenté de se faire la malle. Le genou veut donc partir à gauche, quand le détenteur part à droite. S’en suit un violent « Crrrrrrrrrrrrrrrrrrraaaaaaaaaaaaac » et un « Mamanova ! ». Le malheureux tente de s’extraire de la masse de joueur en rampant sur le sol enneigé. Evacué sur une civière, il a donné, si c’était encore possible, froid dans le dos à tous les joueurs sur le terrain. Du coup, l’arbitre néglige le temps qu’il reste et annonce la fin du match après notre dégagement. Exténués, découragés, mais surtout frigorifiés, les adversaires nous disent quand même :

« Ouais les gars, loupez pas la touche surtout, hein, qu’on en finisse ! »

Signe de l’épuisement de ces hommes.

Enfin libérés, sans autre joie que le soulagement de la survivance, Moscou rentre se réchauffer dans les baraquements. Augustinov, trop ému de la libération, et ressentant l’habituel choc psychologique post-libération, nous fait une syncope.

Le match de l’enfer se termine aussi, dans le froid polaire d’un stade vide.

NDLR : Excusez notre grand reporter qui a singulièrement abusé de l'eau de feu à l'herbe de bison.

 

Stanislas Lefort

Stanislas Lefort, Grand reporter

ours1

Nounours, reporter photographe

Publicité
Commentaires
Publicité